Portrait d’Élisabeth Bouderlique - Par une étudiante
« Ecrire un livre ? Il y en a déjà qui sont bien faits. Mon parcours, ma vie ? Ce n’est pas si intéressant que ça. ». Derrière la fumée d’une tasse de thé, se dessine Elisabeth Bouderlique, cinquante-huit-ans, spécialiste de la neurologie fonctionnelle. Son métier encore très méconnu, consiste entre autres, à identifier la nature du trouble du neuro-développement. Ensuite, il faut repérer l’hémisphère du cerveau le moins actif puis mettre en place un programme complet et adapté à chaque patient. Le spectre de ces troubles est très large : le déficit de l’attention, l’hyperactivité, l’autisme, la dépression, l’anxiété… Tracé par des expériences personnelles et professionnelles intimement liées, un parcours singulier et en mouvement s’esquisse.
« Ça m’a toujours fait sourire, l’orientateur a dit à ma mère : elle sera médecin. ». Diplômée de médecine, Elisabeth n’a jamais exercé et en parcourant le monde, elle s’est enrichie de rencontres. En Egypte, c’est avec Miss Marguerite qu’elle se forme et obtient le diplôme American Montessori Society, pour enseigner aux enfants de trois à six ans. Avec une approche très pédagogue, elle nous dévoile ses cahiers d’étudiante, remplis de photos et de notes. Notre globe-trotteuse, après avoir enseigné en Suède, être allée en Iran, au Danemark et à Prague, entame une formation sur l’éducation Montessori mais cette fois spécialisée pour les enfants à besoins particuliers. Ce désir de connaissance prend racine dans le professionnel autant que le personnel.
En 1998, Charlotte, la première enfant de la famille pointe le petit bout de son nez. Mère pour la première fois mais aussi médecin, certains réflexes s’éveillent : « Il y a quelque chose. Charlotte a des troubles du comportement et des retards. Je veux l’aider. ». Les yeux rivés sur les écrits du docteur Melillo, un chiropracteur américain, c’est en 2016 qu’un véritable tournant s’opère : « Et là, ça a été un déclic, je me suis dit, mais comment ça se fait que l’on ne connaisse pas ça ? ». En France, elle est aujourd’hui la seule certifiée du diplôme Melillo.
« Le système ici n’est pas suffisant, ces informations n’existent pas. Je les ai trouvées parce que j’étais à l’étranger. ». De retour en France en 2018, elle traduit ses documents et cherche un éditeur pour publier en français les livres du docteur Melillo. « La prévention sur les troubles neuro-développementaux est primordiale. ». Elle se rend donc dans les crèches et les écoles du département de manière bénévole et forme des professionnels de santé, parents et enseignants. Avec les associations Bébé Bulle et Maison des P’tites Graines, elle veut combler un manque d’éducation et faire naître des réflexes. Il n’y a besoin que d’un seul coup d’œil pour être immergé dans son travail. Assis à la place des patients, face aux fiches explicatives et aux tests, nous sommes entourés de tapis de motricité, des ballons ou encore de l’échelle de brachiation. Or ses engagements professionnels et personnels s’étendent en dehors de ces murs.
Empathique et dotée d’une compréhension très fine, elle est selon ses patients, une oreille attentive, qui ne porte pas de jugement et qui permet de formidables progrès. Seulement, la frontière entre sa vie personnelle et professionnelle apparaît poreuse et pour cause, lorsque la question surgit, la réponse est nette : « Je suis tout le temps entre les deux. ». Ce lien est à double tranchant, elle-même l’avoue : « Il faut que j’apprenne à me protéger et à mettre des limites. » Il ne faut pas oublier que derrière la professionnelle et autres étiquettes, il y a une femme qui a des passions, que l’on croise à vélo, aux concerts du village, sur le marché le samedi matin et qui va bientôt partir en voyage avec son fils. Une professionnelle qui espère la démocratisation de son métier et une femme qui garde le goût du mouvement.
Portrait écrit dans le cadre d’une série de portraits de professionnels de santé, pour la Préparation de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille aux concours des écoles de journalisme.
Fanny Garnier, étudiante en Licence 3 de Lettres Modernes